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Rendre les rivières buvables, le projet essentiel de Li An Phoa

Publié par La Caravane des Sources

Rendre les rivières buvables, le projet essentiel de Li An Phoa

S’autoriser à rêver pour transformer la réalité. Voir loin pour mobiliser les énergies. Ramener la complexité autour d’un engagement limpide et simple à comprendre. C’est la démarche de Li An Phoa, militante écologiste néerlandaise qui ambitionne de rendre nos rivières de nouveau buvables. Pourquoi le seraient-elle pas, en effet ? Et comment pourrait les rendre assez propres qu’on puisse s’y baigner et y boire l’eau ?

 

Rédigé par Stephen Boucher, le 26 Nov 2017, à 14 h 20 min
 
 
 
Son sourire radieux et son énergie débordante s’appuient sur une expérience personnelle et professionnelle considérable des enjeux environnementaux. Li An Phoa, née aux Pays-Bas d’une mère hollandaise et d’un père chinois, est née, aime-t-elle à rappeler, « près d’une rivière, la Meuse, et à 7 mètres sous le niveau de la mer ». L’eau, vitale pour tous, a toujours été présente dans son univers.

Mais c’est en Amérique du Nord qu’elle s’est rendue compte que nous perdions inéluctablement, dans le monde entier, une richesse phénoménale : des rivières non polluées, si propres que l’on peut s’y baigner, et même en boire l’eau sans traitement. Elle menait campagne, aux côtés d’autres militants, pour que la rivière Rupert, un cours d’eau du Québec, ne soit pas dégradée par un projet de barrage. « J’y ai vécu en nomade pendant un mois, navigant en canoë de la source à l’embouchure. On pouvait boire l’eau de la rivière simplement en y tendant la main. Cela m’a profondément marquée. Cela est inconcevable chez moi », raconte-t-elle.

L’histoire, hélas, se termine mal : trois ans après, les projets industriels n’ayant pu être bloqués, la rivière Rupert, comme tant d’autres, est devenue imbuvable. « Quand j’y suis retournée, l’eau ne pouvait plus être consommée, elle était polluée, on trouvait du mercure dans l’eau », relate Li An Phoa.

On traite nos rivières comme si elles étaient des égouts, au lieu de les traiter comme les artères vitales qu’elles sont.

Devons-nous nous résigner à ce que de moins en moins de cours d’eau soient propres, et que seulement un très petit nombre soient buvables, dans des régions reculées des Alpes ou d’autres montagnes, et ce seulement près de la source ? Certainement pas, selon Li An Phoa. « On traite nos rivières comme si elles étaient des égouts, au lieu de les traiter comme les artères vitales qu’elles sont », s’indigne-t-elle.

Drinkable Rivers, une campagne de sensibilisation pour rendre nos rivières de nouveau buvables

Diplômée en management de l’université de Rotterdam, ce n’est que progressivement que Li An Phoa se consacre au militantisme environnemental. Aujourd’hui, elle développe une pensée et une action holistiques en matière de protection de l’environnement et s’efforce de mettre en relation citoyens, associations et industries pour agir autrement. Son ambition : « transformer les systèmes que je trouve absurdes en systèmes cohérents et intelligents en partageant mes recherches, mes connaissances et surtout mes expériences ».

Fleuves et rivières, sources de vie © Goami

Fleuves et rivières, sources de vie © Goami

Elle travaille ainsi avec de grandes organisations telles que Unilever ou le Ministère de la Santé du Rwanda, ainsi qu’avec des agriculteurs, des artistes et des communautés autochtones.

Enseignante à la Rotterdam School of Management, à la Nyenrode Business University, au Schumacher College, elle a aussi co-fondé Spring College(1), où elle aide des centaines de personnes  chaque année à approfondir leur compréhension des systèmes vivants et à développer leur sens de la connexion avec le monde vivant. Ses cours se font donc essentiellement à l’extérieur, au cours de randonnées.

« J’invite les gens à sortir hors des murs et à entrer dans la nature, que ce soit leur balcon, leur jardin, un parc, un écosystème entretenu ou sauvage comme une forêt, les dunes, un système fluvial, un désert ou des montagnes », explique-t-elle. Le but, dans une démarche inspirée de la pleine conscience et du presencing : « Je cherche à engager tout leur être, à éveiller une conscience et un éveil des sens pour rencontrer le monde plus qu’humain. En marchant et en posant des questions, je guide les gens à penser, sentir comment vivre ».

Le nomadisme comme philosophie de vie

Appliquant ces principes dans sa propre vie, Li An Phoa vit elle-même beaucoup à l’extérieur. « Ma passion, c’est la nature et la marche. J’ai donc décidé depuis 10 ans d’être nomade« , explique-t-elle, en montrant son sac à dos bleu, « c’est ma maison », entre itinérances sauvages, conférences internationales et partage de lieux de vie.

Intégrer nos passions et nos talents, nos rêves et nos visions dans nos vies personnelles, c’est l’espoir de Li An Phoa. Son ambition, au niveau de la société entière : « aligner une économie basée sur des valeurs et des principes écologiques avec les systèmes vivants vitaux, beaux et fonctionnels ».

Le souci, ce sont nos indicateurs

Sa prochaine campagne, qui sera lancée courant 2018, l’amènera à remonter tout le cours de la Meuse, depuis sa source, en France, à travers la Belgique et les Pays-Bas, pour y sensibiliser les habitants, les agriculteurs et les entreprises l’avoisinant. Nous reparlerons de ce projet qu’elle annonce dans la vidéo ci-dessous (en anglais uniquement).

Le souci, souligne-t-elle en effet, ce sont nos indicateurs de développement, comme le Produit Intérieur Brut, qui ne mesurent pas la dégradation environnementale. « Tandis qu’une rivière buvable, c’est un indicateur très clair : est-ce que l’eau devient plus buvable, ou non ? C’est un indicateur clair de nos modes de vie », explique Li An Phoa. Comme elle nous y invite tous : rendez visite à la rivière près de vous, et renseignez-vous sur son état de santé.